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Prise de risque et normes sociales à l’adolescence

Dernière mise à jour : 25 sept. 2023

Synthèse de l’article : Ciranka, S., & van den Bos, W. (2021). Social norms in adolescent risk engagement and recommendation. British Journal of Developmental Psychology, 39(3), 481–498. https://bpspsychub.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/bjdp.12369


Synthèse rédigée par Mathilde Huet, Master 2 de Psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles, Université Paris 8.


Les adolescents évoluent dans un monde où ils sont souvent considérés comme particulièrement impulsifs et imprudents, mais aussi influençables. Qu’en est-il réellement ? Ces croyances reflètent-elles la réalité ? C’est ce qu’ont essayé de déterminer Ciranka et van den Bos, dans leur étude publiée en 2021 dans le British Journal of Developmental Psychology. En effet, afin de promouvoir des comportements plus sains et atténuer l’influence sociale sur la prise de risque à l’adolescence, il est nécessaire d’en savoir plus sur le sujet.

Les deux questions principales posées par Ciranka et van der Bos sont les suivantes : les adolescents sont-ils plus susceptibles d’encourager des comportements à risque ? Sont-ils plus influencés que les enfants et les adultes par la relation entre perception des normes sociales et prise de risques ?

Pour y répondre, ils ont interrogé 198 participants âgés de 10 à 26 ans, et leur ont fait passer un questionnaire sur la prise de risque.


Que sont les normes et l’influence sociales ?

Les normes sociales sont des règles intériorisées, reflétant ce qui est considéré comme fréquent ou valorisé, par la société de manière générale, ou par un groupe social particulier (Demeulenaere, 2017).

Il existe plusieurs types de normes sociales, qui peuvent être implicites ou explicites, et qui sont plus ou moins valorisées et/ou partagées (p.ex. l’utilisation de la cigarette est très partagée à l’adolescence, et relativement valorisée chez certains adolescents qui considèrent par exemple qu’elle favorise la popularité).

L’influence sociale serait une combinaison de plusieurs processus, dont la copie de comportements des pairs (Bandura, et al., 1961), la pression active des pairs (Shepherd et al., 2011), ainsi que la conformité aux normes sociales perçues (Cialdini et Goldstein, 2004).


Comment les normes sociales ont-elles été étudiées dans cette recherche ?

En partant de l’hypothèse que les adolescents sont plus susceptibles que les autres de recommander des comportements à risque – comportements qui impliquent un risque potentiel pour le bien-être ou la santé – les chercheurs ont interrogé 198 participants, âgés de 10 à 26 ans. L’étude visait à comparer les résultats obtenus auprès des adolescents à ceux des enfants et des adultes.

Les participants ont répondu à un questionnaire de prise de risque à l’adolescence, comportant des exemples de comportements à risque et quatre questions pour chaque exemple. Ainsi, ils ont dû indiquer à quel point ils trouvaient ces comportements risqués, et à quelle fréquence ils se comportaient eux-mêmes de cette façon. A ces deux dimensions d’origine, ils en ont ajouté deux autres sur les normes sociales : les participants devaient aussi indiquer combien de leurs pairs effectuaient ce comportement, et à quel point ils pourraient le recommander à quelqu'un.


Ces comportements pouvaient être classés soit comme étant désirables (quête de sensations fortes, p.ex. faire du parachute ou du ski), soit comme étant indésirables (imprudents, rebelles ou antisociaux, p.ex. boire trop d’alcool, ou rouler sans casque).


Qu’a montré cette étude ?

Les résultats de cette étude indiquent que lorsque les scénarios évoquaient une prise de risque indésirable, les participants avaient plus tendance à adopter ces comportements qu’à les recommander à d’autres personnes. À l’inverse, lorsque les scénarios évoquaient une prise de risque désirable, les adolescents comme les autres les recommandaient plus qu’ils ne les adoptaient.


Ainsi, les normes sociales perçues influencent la propension des personnes à adopter un comportement à risque, mais surtout à les recommander : si un comportement est considéré comme fréquemment adopté parmi leurs pairs, les adolescents se déclarent plus susceptibles de le recommander que d’autres tranches d’âge.


En revanche, les adolescents étaient plus susceptibles de recommander des comportements à risques que les enfants ou les jeunes adultes, même lorsque selon eux, ces comportements n’étaient pas fréquemment adoptés. Cette tendance est surtout retrouvée pour les comportements dits désirables, mais elle est tout de même présente pour les comportements indésirables.


Enfin, dans cette étude, les adolescents ont estimé - plus que les autres tranches d’âge - que les comportements à risques étaient répandus socialement. Ce résultat montre qu’ils surestiment parfois l’engagement des autres, et sont donc en général plus influencés par les normes sociales qu’ils perçoivent.


Concrètement, qu’est-ce que cela implique ?

Cette propension plus forte des adolescents à recommander des comportements à risque par rapport aux autres alimente l’idée selon laquelle ils présenteraient des attitudes plus favorables à la prise de risque, ce qui les rendrait plus susceptibles de prendre eux-mêmes ces risques. Les adolescents étant au moins aussi sensibles que les autres aux normes sociales, et étant plus susceptibles que les autres tranches d’âge de surestimer l’engagement des individus dans des comportements à risques, il y a un risque qu’ils soient plus enclins à recommander les comportements à risque et ainsi de suite. Le danger ici, est que les comportements à risque deviennent de plus en plus fréquents chez les adolescents.


Que retenir de cette étude ?

Les adolescents pourraient surestimer l’importance normative de certains comportements à risque, et donc les recommander et les adopter. Dans cette optique, les résultats de cette étude pourraient contribuer au développement des interventions préventives des comportements à risque, pour les professionnels majoritairement, mais aussi pour les parents. Fournir aux adolescents des informations sur les normes réelles des pairs pourrait être efficace pour atténuer la transmission des comportements à risque chez les adolescents. Car si un adolescent a des données concrètes qui lui montrent que les comportements à risque qu’il pense être très normatifs ou répandus ne le sont pas tant qu’il le croyait, il pourrait être moins enclin à l’adopter d’une part, mais aussi à le recommander à ses pairs.

De plus, ces mêmes mécanismes sociaux qui conduisent à une plus grande prise de risques chez les adolescents pourraient se montrer utiles pour diminuer des comportements risqués au même titre qu’encourager des comportements plus positifs.


REFERENCES
Bandura, A., Ross, D., & Ross, S. A. (1961). Transmission of aggression through imitation of aggressive models. The Journal of Abnormal and Social Psychology, 63, 575–582.
Cialdini, R. B., & Goldstein, N. J. (2004). Social Influence: Compliance and conformity. Annual Review of Psychology, 55(1), 591–621.
Demeulenaere, P. (2017). Norme sociale. Encyclopædia Universalis. http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/norme-sociale/
Shepherd, J. L., Lane, D. J., Tapscott, R. L., & Gentile, D. A. (2011). Susceptible to social influence: Risky “driving” in response to peer pressure. Journal of Applied Social Psychology, 41, 773–797.



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