top of page
Rechercher
  • dyscothequepsycho

Manque de sommeil : quelles conséquences sur les émotions de votre enfant ?

Dernière mise à jour : 8 nov. 2023


Synthèse de l’article : Alfano, C. A., Bower, J. L., Harvey, A. G., Beidel, D. C., Sharp, C., & Palmer, C. A. (2020). Sleep restriction alters children’s positive emotional responses, but effects are moderated by anxiety. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 61(10), 1150‑1159. https://doi.org/10.1111/jcpp.13287


Synthèse rédigée par Nassira CHOUACHI DUREL et Noélie FERRA, Master 1 Psychologie du Développement : Education, Troubles et Problématiques Actuelles, Université Paris 8.


Quel est l’impact d’un manque de sommeil sur les émotions des enfants ?

Vous est-il déjà arrivé de manquer de sommeil et de vous sentir plus irritable, plus énervé ou triste ? Si c’est le cas, vous avez peut-être expérimenté l’impact du sommeil sur les émotions. En effet, lorsque nous manquons de sommeil, nous sommes plus sensibles aux stimuli émotionnels, ce qui peut conduire à une réactivité émotionnelle accrue. Le manque de sommeil peut engendrer des difficultés à distinguer les émotions les unes des autres, à comprendre les signaux émotionnels et à réguler ses propres émotions (Palmer & Alfano, 2017).

Ce phénomène est-il présent chez les enfants ? Selon plusieurs études longitudinales, les problèmes de sommeil précoces auraient des effets négatifs sur la santé mentale des enfants à court et à long terme. Par exemple, un sommeil de mauvaise qualité peut exposer à des troubles et problèmes affectifs qui se répercutent tout au long du développement (Reynolds & Alfano, 2016) et peuvent avoir des effets négatifs persistants sur la régulation émotionnelle (Williams & al ; 2017) ou prédire un taux plus élevé de symptômes d'anxiété et de dépression (Foley & Weinraub, 2017).

Cependant, malgré les liens étroits entre sommeil et développement émotionnel, les investigations expérimentales chez les enfants d'âge scolaire restent rares. C’est ce qui confère une importance toute particulière à l’étude d’Alfano et ses collègues (2020), qui ont examiné les effets de deux nuits consécutives de privation de sommeil sur le traitement émotionnel chez des enfants prépubères, et cherché à déterminer si l'anxiété pouvait atténuer ou amplifier ces effets.


Comment répondre à cet objectif de recherche ?

53 enfants prépubères âgés de 7 à 11 ans ont été recrutés et assignés à une condition de restriction du sommeil pendant deux nuits consécutives. Les participants ont été évalués avant et après la période de sommeil restreint pour comparer leurs réponses émotionnelles.


Les familles ont d’abord participé à une série d'évaluations pour exclure la présence de troubles du sommeil et de problèmes psychiatriques.

Le vendredi suivant ces évaluations, le sommeil des enfants a été surveillé à domicile via la polysomnographie (PSG) ; une technique d'enregistrement qui analyse les différentes phases du sommeil et les paramètres physiologiques associés. Les enfants ont été soumis à des heures de coucher et de lever fixes, à 21h00 et 07h00 (soit 10 heures passées au lit). Les enregistrements PSG ont confirmé l'absence de troubles du sommeil et ont permis de standardiser la durée du sommeil avant la première évaluation émotionnelle. Le lendemain, les enfants se sont rendus au laboratoire pour une évaluation émotionnelle initiale (5 heures après le réveil). Ils ont également commencé à porter un actigraphe, un appareil similaire à une montre bracelet qui peut être placé sur le poignet ou la cheville pour détecter les mouvements du corps. Cet outil a ainsi permis d'estimer les périodes d'éveil et de périodes de sommeil pendant 9 nuits et jours consécutifs.

Le vendredi soir de la semaine suivante, les familles ont été appelées et invitées à limiter le sommeil de leur enfant à 7 heures cette nuit-là (de 23h00 à 06h00) et à ne pas autoriser de sieste le lendemain.

La dernière nuit de l'actigraphie (samedi), les enfants ont subi une seconde nuit de restriction de sommeil en laboratoire cette fois-ci, toujours sous surveillance PSG. Les familles sont arrivées à 21h00 et ont été continuellement surveillées par le personnel de l'étude pour s'assurer que les enfants restent éveillés jusqu'au coucher. Les enfants ont été autorisés à dormir pendant 6 heures (de 0h00 à 6h00). Le matin, ils ont pris un petit-déjeuner et ont été surveillés par le personnel de l'étude jusqu'à la deuxième évaluation du traitement émotionnel (5 heures après le réveil).


L’évaluation multimodale (associant une combinaison de questionnaires, de tâches et de mesures subjectives et objectives de l'émotion) comportait des procédures identiques à l'évaluation initiale, visant à évaluer l'expression émotionnelle des enfants lorsqu'ils étaient exposés à des stimuli émotionnels. Afin d’évaluer le traitement émotionnel, deux ensembles de stimuli émotionnels ont été présentés : des clips vidéo et des images de l’International Affective Picture System (une banque d’images standardisées constituée de stimuli émotionnels). Suite au visionnage de chaque image émotionnelle et de chaque clip vidéo, les mesures subjectives comprenaient les évaluations de l'excitation et de la valence ressentie par les enfants en utilisant (le Self-Assessment Manikin- SAM). Le SAM est une échelle picturale non verbale en 5 points qui mesure le plaisir et l'excitation associés à la réaction affective d'une personne à une variété de stimuli. Les mesures objectives comportaient l'enregistrement des expressions faciales des enfants à l'aide d'un logiciel d'analyse d'expression faciale. Les valeurs d’activation ont été calculées pour chaque image (30 images par seconde) pour six émotions de base. De plus, la fréquence cardiaque et l'activité vagale cardiaque ont été mesurées à l'aide d’électrodes pour évaluer la réactivité et la régulation émotionnelle pendant le visionnage de films.


Enfin, pour mesurer les scores d'affect positif et négatif et les symptômes d'anxiété, les chercheurs ont utilisé l'échelle de l'affect positif et négatif pour enfants (PANAS-C ; Ebesutani et al., 2012) et l'échelle révisée d'anxiété et de dépression pour enfants (RCADS ; Chorpita et al., 2000).


Quels sont les résultats obtenus ?

Les résultats ont révélé qu’après une restriction de sommeil, les enfants présentaient une plus faible réactivité émotionnelle aux stimuli positifs qu’aux stimuli négatifs. Les enfants ont également rapporté que la suppression des émotions était plus facile pendant les films positifs et marginalement plus facile pendant les films négatifs après la restriction de sommeil. La suppression émotionnelle est une stratégie qui survient après la génération d’une réponse émotionnelle. Dans le contexte d’une réactivité émotionnelle plus faible pendant les films positifs après la restriction de sommeil, la suppression des réponses émotionnelle a probablement représenté un défi moins important.

Les résultats suggèrent donc que la perte de sommeil altère de manière significative la réactivité des enfants à l'information affective positive. La plupart des altérations liées au sommeil observées ont été modérées par une symptomatologie anxieuse préexistante. En effet, les enfants ayant des niveaux d'anxiété plus élevés ont connu des réductions de l'affect positif et une activation émotionnelle plus importantes lors du visionnage de films positifs. En revanche, des baisses de l'activation émotionnelle en réponse à des images positives ont été observées uniquement chez les enfants ayant des niveaux d'anxiété plus faibles.


Finalement, que pouvons-nous retenir de cette étude ?

Cette étude a exploré les effets de la restriction de sommeil sur les émotions positives et négatives chez les enfants. Selon les résultats, les émotions positives des enfants sont les plus affectées lorsque le sommeil est insuffisant.

Bien que les émotions positives soient moins étudiées que les émotions négatives, elles sont essentielles pour promouvoir des interactions sociales saines, une adaptation globale améliorée, des stratégies efficaces de résolution de problèmes et une meilleure résilience (Fredrickson, 2001 ; Ramsey & Gentzler, 2015). Ainsi, la préservation et l'amélioration des émotions positives, combinées à la promotion d'un sommeil sain, pourraient aider à protéger les enfants contre les effets néfastes des problèmes de sommeil périodiques, en particulier les enfants à risque de troubles anxieux.


REFERENCES
Chorpita, B.F., Moffitt, C., & Grey, J. (2000). Psychometric properties of the Revised Child Anxiety and Depression Scale in a clinical sample. Behaviour Research and Therapy, 43, 309–322.
Ebesutani, C., Regan, J., Smith, A., Reise, S., Higa-McMillan, C., & Chorpita, B.F. (2012). The 10-item positive and negative affect schedule for children, child and parent shortened versions. Journal of Psychopathology and Behavioral Assessment, 34, 191–203.
Foley, J.E., & Weinraub, M. (2017). Sleep, affect, and social competence from preschool to preadolescence: distinct pathways to emotional and social adjustment for boys and for girls. Frontiers in Psychology, 8, 711.
Fredrickson, B.L. (2001). The role of positive emotions in positive psychology: The broaden-and-build theory of positive emotions. The American psychologist, 56, 218–226.
Palmer, C.A., Oosterhoff, B., Bower, J.L., Kaplow, J.B., & Alfano, C.A. (2018). Emotion regulation as a mediator of sleep problems and affective psychopathology in a nationally representative sample of adolescents. Journal of Psychiatric Research, 96, 1–8.
Ramsey, M.A., & Gentzler, A.L. (2015). An upward spiral: Bidirectional associations between positive affect and positive aspects of close relationships across the life span. Developmental Review, 36, 58–104.
Reynolds, K., & Alfano, C.A. (2016). Childhood bedtime problems predict adolescent internalizing symptoms through emotional reactivity. Journal of Pediatric Psychology, 41, 971–82.
Williams, K.E., Berthelsen, D., Walker, S., & Nicholson, J. (2017). A developmental cascade model of behavioral sleep problems and emotional and attentional self-regulation across early childhood. Behavioral Sleep Medicine, 15, 1–21.
128 vues
bottom of page