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Les affects à l’adolescence prédisent-ils la qualité des relations amoureuses ultérieures ?

Dernière mise à jour : 25 sept. 2023

Synthèse de l’article : Kansky, J., Allen, J. P., & Diener, E. (2019). The young adult love lives of happy teenagers: The role of adolescent affect in adult romantic relationship functioning. Journal of Research in Personality, 80, 1‑9. https://doi.org/10.1016/j.jrp.2019.03.006


Synthèse rédigée par Souliko BERTHELON, Master 2 ETPA, Université Paris 8


Les affects correspondent à nos états émotionnels, et ils influenceraient notre capacité à débuter et entretenir une relation sociale (Moore & Diener, 2019). Un affect négatif correspond aux émotions de valence négative (comme la peur, la colère ou tristesse), tandis qu’on parle d'affect positif quand les émotions de valence positive prédominent (comme la joie ou la sérénité).

La théorie d'élargissement et de construction de Fredrickson (2001) postule que les affects permettent aux individus de s'investir dans leurs relations avec leurs proches afin qu'ils puissent compter sur un soutien social solide dans de futures circonstances négatives. En revanche, les affects négatifs encouragent les individus à se concentrer sur les facteurs de stress et les problèmes actuels, plutôt que de construire leurs propres ressources pour l'avenir (Fredrickson, 2001; Lyubomirsky et al., 2005). Cette théorie suggère en outre un lien probable entre les affects ressentis à l'adolescence et la construction de liens sociaux à plus long terme.

En effet, les émotions positives (en tant que trait de personnalité stable pendant l’adolescence) joueraient un rôle dans la qualité des relations amoureuses (Robinset al., 2002). Pourtant, la majorité des études longitudinales évaluant les liens entre affects et dimensions romantiques se sont concentrées sur des échantillons d'adultes mariés (Levenson & Gottman, 1985), en négligeant les expériences de jeunes adultes non mariés.


Existe-t-il un effet des affects ressentis à l’adolescence sur les relations amoureuses ultérieur ?

Les questions posées par l’article de Kanskyy et al. (2019) sont les suivantes : un affect positif ou négatif à l’adolescence influence-il la qualité des relations amoureuses et l’attachement (le sentiment d’affection durable) une fois adulte ? Plus généralement, l’affect influence-il les futures compétences sociales et la satisfaction des relations ?

Les auteurs font l’hypothèse que les affects positifs au début de l’adolescence prédisent de meilleures compétences romantiques (la capacité à former et entretenir une relation amoureuse), une baisse de conflit relationnel hostile et éviteraient un attachement insécure (anxieux et évitant). A l’inverse, les affects négatifs au cours de l’adolescence prédirait de moins bonnes compétences romantiques, un attachement insécure et une augmentation de conflit relationnel hostile.


Quel est la méthode employée ?

Cette étude est dite longitudinale, c’est-à-dire que les mêmes 166 participants ont été interrogées à plusieurs reprise : au début de l’adolescence (à partir de 14 ans environ), à la fin de l’adolescence (de 16 à 18 ans) et une fois adulte (de 23 à 26 ans).


Les questionnaires utilisés sont les suivants :

- The Affective Arousal Scale (que l’on peut traduire par L'Échelle d'Éveil Affectif) (Porter, 2000) a été utilisée pour auto-évaluer l’état émotionnel positif (joyeux) et négatif (triste, inquiet, en colère, bouleversé et tendu) des adolescents à l'âge de 14 ans.

- La compétence sociale a été auto-évaluée chaque année entre 16 et 18 ans à l'aide du Self-Perception Profile for Adolescents (profil d'auto-perception pour adolescents) (Harter, 1988), qui porte sur l'aspect scolaire, sportif, physique, la compétence professionnelle, la conduite comportementale et la compétence sociale.

- La compétence romantique a été évaluée chaque année entre 23 et 25 ans à l'aide de la sous-échelle de compétence intime du Adult Self-Perception profile (profil d'auto-perception des adultes) (Harter, 1995), qui évalue la compétence à établir et maintenir des relations amoureuses.

- Les participants ont complété The Relationship Assessment Scale (échelle d'évaluation des relations) (Hendrick, et al., 1998) à une reprise entre 23 et 25 ans. Cette mesure évaluait la satisfaction relationnelle à propos de leur relation amoureuse actuelle. Elle s’intéresse aussi à la façon dont le participant compare sa relation amoureuse à celles des autres, la réponse du partenaire à ses besoins, ainsi que les problèmes dans la relation amoureuse.

- Le conflit dans la relation romantique a été évalué une fois entre 23 et 25 ans à l’aide du Network of Relationships Inventory (inventaire du réseau de relations) (Furman & Buhrmester, 1985) et la sous-échelle de la Conflict in Relationships Scale (qui évalue les conflits dans la relation amoureuse) (Wolfe, et al., 1994) pour identifier les comportements abusifs émotionnels, physiques et sexuels. Les auteurs ont utilisé à la fois le rapport du participant et celui de son partenaire romantique (dans les relations actuelles d’au moins 3 mois).

- L’attachement anxieux et évitant a été mesuré une fois entre 23 et 25 ans, à l’aide du Behavioral Systems Questionnaire (questionnaire sur les systèmes comportementaux) (Furman et Wehner, 1994). Les participants et les partenaires romantiques ont tous deux complété ce questionnaire.


Résultats

Les résultats indiquent que les affects positifs au début de l'adolescence étaient liés à plusieurs des compétences romantiques évalués : une plus grande compétence sociale auto-déclarée, ainsi que moins de conflits hostiles déclarés par le partenaire à l'âge adulte. Les participants rapportant des affects positifs plus importants au début de l’adolescence rapportaient moins de comportements d'attachement anxieux à l’âge adulte. Les affects négatifs étaient liés à une plus faible compétence sociale et à une plus faible compétence romantique auto-déclarées à l'âge adulte.

Les affects négatifs à 14 ans sont significativement corrélés à une moindre compétence sociale et romantique. Mais l’affect négatif n’est pas significativement lié à un conflit auto-déclaré ou déclaré par le partenaire, à l’attachement anxieux ou évitant, ainsi qu’à la satisfaction relationnelle auto-déclarée.

Les femmes rapportent une plus grande stabilité émotionnelle que les hommes à 24 ans, c’est la seule différence concernant les sexes. Par ailleurs, les affects positifs à 25 ans sont liés à une plus grande compétence sociale et romantique, à moins d’anxiété auto-déclarée et moins de conflits amoureux signalés par le partenaire. Toutefois, les affects positifs ne sont pas significativement liés à la satisfaction relationnelle.


Conclusion

L’étude menée par Kansy et ses collaborateurs (2019) met en évidence l’influence des affects ressentis au cours de l’adolescence sur le bien-être ultérieur de l’adulte. Les résultats obtenus indiquent que les affects positifs à l'adolescence prédisent une plus grande compétence sociale à la fin de l'adolescence, une plus grande compétence romantique, et moins de conflits hostiles signalés par le partenaire près d'une décennie plus tard. Les affects négatifs prédiraient quant à eux une moins bonne compétence sociale et romantique.

L’une des limites de cette étude réside dans le fait que les expérimentateurs n’ont pas demandé aux partenaires de rendre compte des perceptions de la compétence romantique du participant cible.

Dans la continuité de cette étude, des recherches futures pourraient évaluer d'autres différences relationnelles ou individuelles pouvant expliquer le lien entre affect et qualité romantique. De plus, de futures études peuvent évaluer des émotions plus spécifiques et discrètes pour déterminer si différentes émotions présentent un impact relationnel distinct. Par ailleurs, il serait intéressant de déterminer quelles sont les conditions nécessaires à des affects positifs. Sensibiliser la population sur l’importance accordée à la période de l’adolescence pour développer de bonnes capacités relationnelles permettrait de mettre en place des outils (par exemple des programmes d’éducation relationnelle) visant à favoriser la qualité des relations d’attachement à l’adolescence afin d’améliorer celles-ci au cours de l’âge adulte.

Les affects positifs sont également liés à un but plus profond et commun pour tous : le bonheur. En effet, les personnes heureuses sont plus susceptibles de déclarer avoir plus d'amis et plus proches, de passer plus de temps à parler avec les autres et à s'engager dans des activités plus sociales (Diener & Seligman, 2002 ; Mehl et al., 2010).


REFERENCES
Diener, E. & Seligman, M. E. P. (2002). Very happy people. Psychological Science, 13, 80-83.
Fredrickson, B. L. (2001). The role of positive emotions in positive psychology: The broaden-and-build theory of positive emotions. American Psychologist, 56, 218-226.
Furman, W., & Buhrmester, D. (1985). Children’s perceptions of the personal relationships in their social networks. Developmental Psychology, 21, 1016-1022.
Furman, W., & Wehner, E. A. (1994). Romantic views: Toward a theory of adolescent romantic relationships. In R. Montemayor, G. R. Adams, & T. P. Gullotta (Eds.), Personal relationships during adolescence (pp. 168–195). Sage Publications, Inc.
Harter, S. (1995). Manual for the self-perception profile for adults. Unpublished manuscript. CO: University of Denver. file:///C:/Users/univ/AppData/Local/Temp/Self-Perception%20Profile%20for%20Adults.pdf
Harter, S. (1988). Manual for the self-perception profile for adolescents. Unpublished manuscript. CO: University of Denver.
Hendrick, S. S., Dicke, A., & Hendrick, C. (1998). The Relationship Assessment Scale. Journal of Social and Personal Relationships, 15(1), 137-142. https://doi.org/10.1177/0265407598151009
Levenson, R. W., & Gottman, J. M. (1985). Physiological and affective predictors of change in relationship satisfaction. Journal of Personality and Social Psychology. 49, 85-94.
Lyubomirsky, S., King, L., & Diener, E. (2005). The Benefits of Frequent Positive Affect: Does Happiness Lead to Success? Psychological Bulletin, 131(6), 803–855. https://doi.org/10.1037/0033-2909.131.6.803
Mehl, M. R., Vazire, S., Holleran, S. E., & Clark, C. S. (2010). Eavesdropping on Happiness. Psychological Science, 21(4), 539-541. https://doi.org/10.1177/0956797610362675
Moore, E. & Diener, E. (2019). Does subjective well-being cause better social relationships?: A multi-method explanation. University of Utah (in press).
Porter, M. R. (2000). Affective arousal scale manual. Unpublished manuscript. VA: University of Virginia.
Robins, R. W., Caspi, A., & Moffitt, T. E. (2002). It’s not just who you’re with, it’s who you are: Personality and relationship experiences across multiple relationships. Journal of Personality, 70, 925–964. https://doi.org/10.1111/1467-6494.05028.
Wolfe, D. A., Reitzel-Jaffe, D., Gough, R., & Wekerle, C. (1994). Conflicts in relationships: Measuring physical and sexual coercion among youth. Unpublished manuscript. Available from the Youth Relationships Project, Department of Psychology, the University of Western Ontario, London, Canada, N6A 5C2
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